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Comme un éventail...

Homélie de la messe de funérailles du fr. Martin Hillairet o.p., donnée le lundi 28 septembre par le fr. Jean-Claude Lavigne.


Relisant la vie partagée avec Martin tant au Cluizel qu’au couvent Fra Angelico puis au St Nom de Jésus, une image s’est imposée à moi : celle d’un éventail japonais, image qui avait peu à voir avec une préférence asiatique de Martin. Replié, cet instrument ressemble à un morceau de bois dur qui pouvait même être utilisé comme arme de combat par les samouraïs. Mais déployé, totalement ou partiellement, il devient un objet magnifique et coloré. Chaque pli de l’éventail est une œuvre d’art délicate et riche, signe de noblesse et objet de décoration sophistiquée. Tous les plis sont retenus par « une rivure » qui permet la mobilité de l’éventail et sa cohérence.


Si l’aspect de bois dur pouvait être ce que Martin donnait parfois à voir à ceux et celles qui ne le connaissaient pas vraiment, un peu à l’image du corps terrestre dont parle l’Épitre aux Corinthiens, pour les autres qui savaient voir ils découvraient des plis de soie, de laque ou de papier précieux, délicatement peints ou brodés qui déployés donnaient à voir des paysages fabuleux à l’image du corps spirituel ou du ciel de l’Épitre aux Carinthiens. L’aspect bois dur s’estompera dans les dernières années de la vie de Martin comme un signal d’une nouvelle vie qui allait germer et comme un nouveau pli, celui de la liberté enfin acquise et assumée.


Les plis de l’éventail qui constituaient la vie de Martin sont multiples : celui Robert Hillairet prêtre diocésain de Poitiers, puis celui de fr Martin (de Porrès) à son entrée dans l’Ordre -nom qu’il avait choisi pour manifester son désir de proximité avec les plus petits-, celui de responsable national de la catéchèse des handicapés, celui du Cluizel et de son métier de relieur, celui de syndic de la Tourette pendant de longues années, celui d’animateur de l’Agora… Ils sont si nombreux et pour la plupart entourés de silence car Martin ne se racontait pas facilement. L’histoire du Cluizel n’a jamais été écrite malgré nos nombreuses demandes.


Parmi les innombrables plis qui font la beauté et la richesse de la vie de Martin je n’en retiendrai que quelques-uns.


Celui d’abord de la sensibilité pour les plus fragiles, répondant ainsi au second commandement rappelé au scribe dans l’Évangile que nous avons entendu. Une sensibilité pour tous les handicapés de nos sociétés ; non pas une sensiblerie mais un engagement de fraternité, partageant leur vie et croyant en eux comme ce fut le cas pendant les dix années de la fraternité Cluizel. Sensibilité pour ceux et celles qui sont différents et souvent stigmatisés par leur sexualité ou leur comportement déviant. Il croyait que Dieu les aimait de manière particulière et essayait d’en faire autant.


Martin était aussi passionné par une Église proche des gens, simple et solidaire, sans prestige ou pouvoir, sans domination, libre et fraternelle. Le contraire le hérissait profondément. Ce second pli est celui qu’il a mis en œuvre pendant de longues années au centre Albert Le Grand à la Tourette, dans la revue Échanges ou dans l’animation de l’Agora, ici au St Nom. Il a aimé cette Église faite de gens de terre mais qui sont aussi du ciel à l’image de Jésus. Il voulait participer à cette renaissance d’en haut, cadeau du ciel pour les petits et les gens simples. Il annonçait cela dans ses relations avec des amis, tous dans la longue durée car Martin était un homme fidèle dans ses amitiés et ses passions. Il annonçait cela aussi par sa pratique de l’écoute pour de nombreux croyants en recherche de leur voie singulière.


Dans l’éventail, la rivure qui tient les différents plis ensemble est centrale. Cette rivure sans aucun doute ce fut la vie spirituelle de Martin. Dominicaine à l’évidence, mais avec un accent particulier : celui de Jean de la Croix et du Carmel dont il était un bon connaisseur et qu’il aimait partager tant dans les groupes de recherche mystique que dans les fraternités carmélitaines dont il a été un accompagnateur. Sa manière mystique de vivre la foi le conduisait à une intense discrétion qui pouvait parfois surprendre mais qui était cohérente avec sa sensibilité de proximité avec le Vivant et les vivants, avec le feu dont parle Jean de la Croix. Il savait écouter son unique Seigneur et l’aimer de tout son être, avec sa propre fragilité et sa sensibilité.


Martin prêchait bien et célébrait de manière juste (ce qu’il appelait propre), adaptée aux participants et fraternelle. Il savait aussi accompagner vers Dieu, et dans une grande discrétion et une écoute fraternelle, ceux et celles qui avaient besoin de se retrouver en proximité avec le Royaume de Dieu ou de le découvrir proche de leur existence quotidienne.


L’éventail de la vie de Martin ne s’est pas refermé avec son passage dans ce Royaume pour lequel il avait donné sa vie avec tout son être et tout son cœur. Au contraire, il s’est complétement ouvert et a déployé auprès du Bien Aimé, le Christ Jésus, la totalité du dessin qu’il cachait en cette vie terrestre, dessin de brouillard, de montagnes et de rivières qui coulent comme le Fleuve de la Vie.


Une citation de Martin lors d’une retraite prêchée à Ribeauvillé me permet de continuer à croire en cette métaphore d’éventail. « Quand nous cherchons à vivre dans la foi, nous dessinons la présence de Dieu au crayon. Un jour, Dieu viendra passer les couleurs sur notre dessin ».


Aujourd’hui Dieu a mis des couleurs ineffables à ce dessin. C’est le cadeau que nous laisse Martin pour que nous continuions chacun et chacune notre route particulière vers le Royaume avec ce que nous sommes, y compris nos fragilités. L’éventail de la vie de Martin continue à nous l’air pour respirer sur le chemin. Pour tout cela, merci Martin.


Fr JC Lavigne op 28.09.2020

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